Goulwenn Tristant

Goulwenn Tristant

Droit fiscal – Le nouvel abus en question

Droit fiscal
Le nouvel abus en question

 

La loi de finances pour 2019 a institué un nouvel article qui permet à l’administration fiscale de sanctionner les actes passés par le contribuable dont le but principal (et non plus exclusif) est de faire baisser la charge fiscale. Mini-abus ou réel danger ? Décryptage.

Classiquement, l’abus de droit fiscal est défini à l’article 64 du Livre des procédures fiscales (LPF) qui dispose  en substance que l’administration peut remettre en cause les montages fiscaux dont le but est exclusivement de faire baisser l’impôt (lire encadré « L’abus de droit fiscal classique »). Cette procédure sera applicable à partir du 1er janvier 2021 aux actes passés à partir du 1er janvier 2020. Très concrètement, ce nouveau dispositif est de nature à remettre en question les montages sur lesquels travaillent régulièrement les investisseurs immobiliers tels que les cessions temporaires d’usufruit par des sociétés civiles à l’I.R. au profit de sociétés commerciales d’exploitation : une SCI vend à titre temporaire à une société d’exploitation l’usufruit d’un bien pour une durée légèrement supérieure à celle du prêt ayant servi à l’acquisition.

Risque de remise en cause de la stabilité et de la prévisibilité des opérations juridiques

De fait, s’il était auparavant possible de mettre en avant d’autres objectifs que la fiscalité (régularité des revenus, prévisibilité, gestion de la trésorerie, etc) pour échapper au caractère « exclusivement fiscal », c’est désormais a posteriori et sur un critère subjectif que le fisc va pouvoir remettre en question ce montage. Ainsi, il appartiendra au contrôleur ou au juge de dire à la place du contribuable et après coup si son opération était ou non à but principalement fiscal, ce qui risque de poser des difficultés. Une telle réforme est de nature à remettre en cause la stabilité et à la prévisibilité des opérations juridiques et risque de générer un abondant contentieux. L’un des schémas d’optimisation les plus exposés semble être la cession temporaire d’usufruit réalisée par une SCI à l’IR au profit d’une société d’exploitation commerciale., avec de lourdes pénalités potentielles en cas de remise en cause du montage (de 40 % pour manquement délibéré, ou de 80 % en cas de manœuvre frauduleuse). Suite à la levée de bouclier des professionnels et de parlementaires face à ce nouvel abus, le gouvernement a tenu à préciser qu’il ne visait pas les donations avec démembrement de propriété.

Penser au rescrit fiscal !

Reste donc à trouver des solutions. La première tient en deux mots : la simplicité. L’immobilier offre (encore) suffisamment de possibilités d’optimisation de l’impôt pour ne pas se risquer dans des opérations hasardeuses. Donc prudence… le conseilleur n’étant de façon générale pas le payeur. La seconde repose sur l’existence du rescrit fiscal, mécanisme qui permet au contribuable d’interroger l’administration fiscale sur la légalité de l’opération fiscale envisagée avant sa mise en place. Dans ce cas, l’administration dispose d’un délai de six mois pour répondre à la demande du contribuable (attention donc aux opérations nécessitant le respect de délais brefs). Plus que jamais, il importe donc de demander conseil aux professionnels, le droit et la fiscalité s’accommodant mal d’approximations.

 

 

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